Frontière US : l'anniversaire des 10 ans
En 2009, j'ai réussi l'exploit de me présenter à la frontière canado-américaine avec un passeport vierge.
Un peu de contexte : mon passeport original, de 2006, avec lequel j'ai voyagé vers le Canada, n'est pas biométrique et n'est donc pas valide pour entrer aux Etats-Unis. J'apprends qu'il est possible de remplacer son passeport gratuitement au consulat de France à Montréal et j'en profite. Me voilà muni d'un passeport biométrique, et l'employée du consulat m'indique clairement que mon passeport original n'est plus valide - la preuve, elle en coupe de manière théâtrale la couverture.
Evidemment, quand j'arrive à la frontière américaine en bus quelques semaines plus tard, avec mon passeport flambant neuf mais vierge de tout visa, le douanier américain, incapable de confirmer mon origine, n'a qu'un choix: me refuser l'entrée et me renvoyer d'où je viens. Mon visa canadien est dans mon ancien passeport, resté bien au chaud à Montréal. De retour au Canada, les douaniers sont sympas: ils confirment que je suis bien en possession d'un visa valide, et acceptent de tamponner mon nouveau passeport, ce qui me permet finalement de passer la frontière américaine. Fin de l'histoire.
Avance rapide vers 2019. Destination Boston.
Les aéroports internationaux canadiens disposent tous d'une douane américaine sur le sol canadien, ce qui permet de valider son statut avant l'embarquement vers les Etats-Unis. Bien entendu, je pars d'un aéroport non international: Billy Bishop, au sud de Toronto. En plus d'un passeport en cours de validité, les citoyens français ont besoin d'une autorisation électronique de voyage: l'ESTA. Celle-ci est valable 2 ans.
Au moment de m'enregister pour le vol, la compagnie me demande si j'ai l'ESTA: oui. Même question lors de l'embarquement: toujours oui. Arrivé à Boston, passage par la douane: main droite sur le lecteur d'empreintes, pouce droit, petite photo. Mon dossier ne sort pas. On réessaye. Sans succès. Ca sent mauvais. On m'escorte alors dans une pièce spéciale, que je comprends vite réservée aux immigrants problématiques.
Autour de moi: une femme qui vient rendre visite à un homme marié (mais qui a menti sur la raison de sa visite quelques minutes plus tôt), un pilote d'avion dont j'ignore l'histoire, et enfin un homme bulgare qui prétend venir pour un road-trip, quand tout indique qu'il vient travailler au noir pour le restaurant de son cousin. Je sais tout cela car les agents échangent à voix haute et en public les détails de chaque cas.
Mon cas est finalement beaucoup plus simple: après plusieurs dizaines de minutes de recherche, un agent m'indique que mon ESTA est expiré. Son collègue lui ordonne de me donner une amende, avant de se rétracter quand il prend connaissance d'un accord entre le Canada et les Etats-Unis. Improbable mais salvateur. Au bout d'1h30 de procédures, je sors enfin de la salle avec un visa visiteur temporaire sur lequel est écrit "I did not realize that my ESTA had expired. I just want a weekend with my girlfriend." - heureusement que le ridicule ne tue pas.
Rendez-vous en 2029.